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Mère et
chrétienne, elle espère dans le Dieu qui bénit les petits enfants: «Ne
craignez point, dit-elle, Dieu n'abandonnera pas l'innocence du roi; il
faut se confier à lui[411]».

[Note 411: Mme de Motteville, _Mémoires_, 1648.]

Bientôt, à Saint-Germain, une humiliation suprême lui est imposée. Elle
a cru, mais en vain, pouvoir s'appuyer sur l'épée de Condé. Alors, avec
des larmes d'indignation, elle signe un acte qui consacre les décisions
du Parlement et qu'elle appelle «l'assassinat de la royauté».

L'agitation, un moment calmée, se produit encore. Cette fois la régente
a obtenu l'appui de Condé. Elle s'est de nouveau rendue à Saint-Germain,
et de là, elle envoie au Parlement l'ordre de se retirer à Montargis.
Condé assiège Paris.

Maintenant, le cardinal s'associe ouvertement à l'inflexible résistance
de la reine. Anne d'Autriche sort victorieuse de l'épreuve, et quand,
après la paix de Rueil, nous la voyons rentrer dans Paris, Mazarin, si
impopulaire jusque-là, Mazarin est auprès d'elle et partage l'accueil
sympathique qu'elle reçoit. C'était là un de ces brusques revirements
dont le peuple de Paris a donné tant d'exemples. On en vit un nouveau
témoignage le jour où la régente se rendit à Notre-Dame. Les harengères,
«qui avoient tant crié contre elle», se jetaient sur elle dans des
transports d'amour et de repentir; elles touchaient sa robe et furent
près de l'arracher de son carrosse[412].

[Note 412: Mme de Motteville, _Mémoires_, 1649.]

Condé, l'ennemi de Mazarin, s'aliène la régente par sa hauteur. Elle se
réconcilie avec le coadjuteur, et, forte de son alliance avec la
vieille Fronde, elle fait arrêter Condé, son frère de Conti, le duc de
Longueville, son beau-frère. Alors naît une nouvelle Fronde: la révolte
suscitée par les partisans des princes. Anne d'Autriche demeure
intrépide, elle accompagne le jeune roi et Mazarin à Bordeaux qui a pris
le parti des rebelles. Mais la paix que lui imposent ses nouveaux alliés
froisse son orgueil; elle aussi, employant une expression de Catherine
de Médicis, elle dit qu'elle a été traitée en chambrière. Elle se sépare
des anciens frondeurs.

Le Parlement réclame la liberté des princes et l'obtient. Il réclame
aussi l'exil de Mazarin, et si la reine y consent, c'est que le cardinal
veut lui-même s'éloigner; mais elle s'apprête à quitter furtivement
Paris avec le roi. La trahison déjoue ce projet. Le coadjuteur
fait battre dans Paris le tambour d'alarme. Le peuple envahit le
Palais-Royal. Anne d'Autriche montre aux insurgés le jeune roi endormi
dans son lit. A ce doux aspect, les hommes qui avaient envahi cette
chambre avec des sentiments de fureur, n'ont que des paroles de paix et
de bénédiction. Le danger avait été grand: la reine mère n'avait eu que
le temps de faire recoucher le petit prince qui allait monter à cheval.

Mazarin exilé garde sur la régente un pouvoir absolu. C'est toujours lui
qui gouverne par elle.

Condé prend les armes contre le gouvernement. La reine mère entre
vaillamment en campagne, marche sur Mme de Longueville, la chasse de
Bourges et se dirige sur Poitiers. Mazarin rejoint Anne d'Autriche. Il
est témoin de son attitude après la déroute de Bléneau: la régente,
pleine de sang-froid et d'énergie au milieu de la cour éperdue,
n'interrompt pas même la toilette qu'elle avait commencée avant la
désastreuse nouvelle.

Pendant le combat du faubourg Saint-Antoine, sous Paris, Anne d'Autriche
est vraiment dans son rôle de femme. Tandis que le canon gronde, elle
est agenouillée devant le Saint-Sacrement, chez les Carmélites de
Saint-Denis. Elle ne quitte l'autel que pour recevoir les courriers
qui lui apportent des nouvelles du combat, et la reine de France a des
larmes pour tous ceux qui sont tombés, amis ou ennemis.[413]

[Note 413: Mme de Motteville, _Mémoires_, 1652.]

Anne devait voir Mazarin s'éloigner une seconde fois; mais cet exil
n'était pas de longue durée et n'était destiné qu'à hâter la conclusion
de la paix. Condé, le duc d'Orléans, son allié, demandèrent à envoyer
leurs députés au roi. Mais la régente refusa avec hauteur, «s'étonnant
qu'ils osassent prétendre quelque chose avant d'avoir posé les armes,
renoncé à toute association criminelle et fait retirer les étrangers;»
les étrangers dont le vainqueur de Rocroy avait accepté la criminelle
alliance!

En 1653, la Fronde était vaincue. L'autorité royale triomphait. En dépit
de quelques imprudences, Anne d'Autriche avait, nous l'avons rappelé,
joué le rôle le plus noble dans cette guerre civile. A la paix, elle
rentre dans l'ombre. Son fils est majeur. Mazarin exerce hautement le
pouvoir jusqu'à sa mort, événement après lequel Louis XIV gouverne par
lui-même[414].

[Note 414: Trognon, _Histoire de France_]

La petite-fille de Charles-Quint avait fidèlement servi la politique
anti-espagnole de Henri IV et de Richelieu. Elle avait achevé, à
l'intérieur du pays, l'oeuvre de ces deux grands génies: la victoire de
la royauté sur la féodalité. Mais nous savons que ce fut Mazarin qui la
dirigea dans l'exercice du pouvoir, et que les qualités personnelles
qu'elle déploya dans sa régence étaient non des qualités politiques,
mais des qualités morales: le courage qui brave le danger, la foi qui
soutient dans le péril, l'amour maternel, et cette tendresse dévouée,
généreuse, qu'Anne d'Autriche n'apporta, il est vrai, que dans une seule
amitié.

Elle eut dans l'âme plus de hauteur que de véritable grandeur. Cette
hauteur avait pour origine la fierté du sang, et préparait Anne
d'Autriche à représenter dignement ce pouvoir absolu qui était encore
nécessaire à la France pour dompter la féodalité. La reine mère en légua
la tradition à son fils, et quand Louis XIV disait: «L'État c'est moi,»
il était bien réellement le fils d'Anne d'Autriche.

Le jeune roi dut aussi à sa mère ces traditions de courtoisie
chevaleresque qui contribuèrent à l'éclat de son règne. Ce n'est pas la
moindre gloire d'Anne d'Autriche que d'avoir donné à la France un Louis
XIV.

L'exemple de cette princesse a démontré, une fois de plus, que la
femme a besoin d'être elle-même dirigée lorsqu'elle tient les rênes du
gouvernement. Les contemporaines d'Anne d'Autriche furent une vivante
leçon de ce que devient la femme lorsque, dans les choses de la
politique, elle est, ou mal conseillée, ou livrée à ses propres
impressions. Nulle des conspiratrices de la cabale des Importants ou
des luttes de la Fronde n'est conduite par la raison d'État. L'amour,
l'amitié, la haine, tels furent les mobiles qui entraînèrent ces femmes
à fomenter la guerre civile, à trahir même leur pays pour l'étranger.
Pour rendre cette trahison moins odieuse, elles n'avaient pas, comme
certaines reines, l'excuse d'être elles-mêmes étrangères de naissance.
Le plus pur sang de France coulait dans leurs veines.

Entre toutes les femmes qui apparaissent dans les troubles de la
régence, une seule attire notre sympathie: c'est cette noble et
touchante princesse de Condé, qui ne se mêle courageusement à la
lutte que pour servir la cause d'un cher prisonnier; l'époux qui l'a
dédaignée!

Quant aux autres femmes de la Fronde, malgré les talents qu'elles ont
déployés, je ne peux voir en elles que des aventurières. Si le long
repentir de la duchesse de Longueville nous fait oublier que, jetée dans
la Fronde par son amour pour La Rochefoucauld, elle y entraîna jusqu'à
un Condé, jusqu'à un Turenne, comment accorder une semblable indulgence
à une duchesse de Chevreuse? Je me sépare ici, à regret, de l'illustre
écrivain aux yeux duquel est apparue comme une héroïne et un grand
politique, la femme audacieuse qui, pour nous, n'est que la pire des
intrigantes: celle qui met la politique au service de ses volages
amours.

Ce n'est ni l'amour ni l'intrigue politique qui jettent Mlle de
Montpensier dans les luttes civiles: c'est le désir, romanesque de jouer
à l'héroïne. C'est ainsi que, s'introduisant seule par la brèche dans
Orléans, elle conquiert la ville par cet acte de bravoure. C'est ainsi
que, dans le combat du faubourg Saint-Antoine, elle tirera le canon de
la Bastille.

Une brillante étrangère, la princesse palatine, Anne de Gonzague, nous
apparaît dans ces guerres civiles, non à travers la fumée des combats,
mais dans les mystérieux arcanes de la diplomatie. Pour délivrer Condé,
c'est elle qui a réuni la nouvelle Fronde à l'ancienne. Condé libre,
elle lui a donné des conseils de modération: c'est qu'alors Mazarin l'a
regagnée. Depuis, elle demeure fidèle au cardinal et sert même par son
intervention diplomatique les intérêts de la France. Mais, en réunissant
les deux Frondes, elle avait contribué à fomenter les troubles, à
amener cette nuit d'émeute pendant laquelle Anne d'Autriche montra
aux Frondeurs son fils endormi et à la suite de laquelle Mathieu Molé
prononçait, avec douleur, cette parole: «M. le Prince est en liberté, et
le roi, le roi notre maître, est prisonnier!»

Mais il me tarde de quitter les femmes de la Fronde. Quelques-unes,
d'ailleurs, ont déjà été peintes par la main d'un maître. Et, à ces
aventurières, ou à ces intrigantes qui, en semant la guerre civile, ont
contribué aux misères du peuple, je vais opposer les femmes qui se sont
généreusement dévouées à soulager ces mêmes misères.

Dès 1635, la guerre avec la maison d'Autriche avait fait connaître à la
Lorraine les fléaux que la Fronde ramena surtout pour la Champagne et la
Picardie. Rien de plus effroyable que le tableau, que les contemporains
nous ont tracé de la misère qui désola ces trois provinces. On vit alors
ce que c'était que ces guerres «soit civiles, soit étrangères où, disait
Fléchier, le soldat recueille ce que le laboureur avait semé...» Et
l'orateur sacré ajoutait: «Souvenez-vous de ces années stériles, où,
selon le langage du prophète, le ciel fut d'airain et la terre de
fer[415].»

[Note 415: Fléchier, _Oraison funèbre de madame Marie-Magdeleine de
Wignerod, duchesse d'Aiguillon_.]

La dysenterie, la gale, la peste se joignent à la guerre et à la famine.
Fuyant leurs demeures occupées par la soldatesque étrangère, les paysans
meurent dans les bois ou sur les grands chemins, ou bien, rentrant
dans leurs villages après le départ de l'ennemi, ils retrouvent leurs
demeures pillées, brûlées, leurs champs dévastés.



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