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«Il semblait, dit-il, que quelque chose avait cassé le grand ressort de la famille, la mécanique qui, chez les gens heureux, fait battre les coeurs à l'unisson[504].» Ah! certes, la mécanique devait s'arrêter. Et il en est toujours ainsi quand on supprime le grand moteur, Dieu! [Note 504: Zola, _l'Assommoir_.] §V _Conditions actuelles du mariage. Les droits civils de la femme peuvent-ils être améliorés?_ La famille sans Dieu! le grand ressort domestique brisé parce que Dieu ne le fait plus mouvoir! Hélas! ce spectacle, nous ne le voyons déjà que trop, même dans les maisons qui ont gardé les apparences du christianisme, mais qui n'en ont plus l'esprit. Et comment Dieu vivrait-il dans ces demeures? Est-ce sa présence que l'homme a appelée en fondant son foyer? Non, c'est la divinité du jour, c'est l'or! N'est-ce pas une des phrases courantes de la causerie mondaine que celle-ci: «Monsieur un tel épouse cinq cent mille francs, un million, ou plus?» Quel est l'objet des premières informations de l'homme qui recherche une femme? l'honorabilité de la famille, les qualités morales ou même les attraits physiques de la jeune fille? Non, la dot, la dot, toujours la dot. C'est là le caractère qui prédomine dans les sociétés en décadence pour lesquelles la satisfaction des jouissances matérielles est tout. Athènes avait connu cette plaie. En dépit des lois de Solon qui restreignaient la dot, les temps de corruption amenèrent la vénalité des mariages; la fille pauvre fut exposée à vivre dans le célibat. Comme nous le rappelions, «il arrivait, alors déjà, que l'homme avait supputé avec soin les mines, le talents, les drachmes de la dot; mais dans cette addition, il avait oublié de compter les qualités ou les défauts de la fiancée. Un jour l'or était parti, mais la femme restait, et, avec elle, le regret de sa présence: «J'ai épousé un démon qui avait une dot... Ma maison et mes champs me viennent d'elle; mais, pour les avoir, il a fallu la prendre aussi, et c'est le plus triste marché[505]!...» [Note 505: G. Guizot, _Ménandre_. Fragments; et mon étude sur _la Femme grecque_.] A Rome, quand le régime dotal remplace l'antique communauté, la femme richement dotée trouve dans sa fortune la liberté de tout vouloir et de tout faire. A une époque où la fréquence de divorce permet à la femme de quitter son mari, l'époux se résigne à la perte de son autorité, à la perle même de son honneur: ne faudrait-il pas rendre la dot avec la femme? «J'ai accepté l'argent; j'ai vendu mon autorité pour une dot[506].» [Note 506: _Argentum adcepi, dote imperium vendidi._ (Plaute, _Asinaire_, 89.)] L'ancienne France ne connut guère que dans les deux derniers siècles le fléau des mariages d'intérêt. La vieille communauté germaine y régna longtemps avec le droit d'aînesse; et même, quand la dotalité romaine vint se joindre à la communauté coutumière ou la remplacer, la dot fut modeste, et le droit d'aînesse qui subsistait toujours, rendait fort rares les riches héritières. Ce ne fut que lorsque la vie des cours eut créé les besoins factices du luxe et de la vanité que les femmes commencèrent à être recherchées, les unes pour leur fortune, les autres pour les honneurs qu'elles apportaient. Déjà convoitées au XVIIe siècle, les filles de la finance deviennent au XVIIIe siècle l'objet d'un honteux trafic. Mais c'était surtout la noblesse des cours qui se livrait à ce négoce matrimonial. Dans la noblesse de province comme dans la bourgeoisie des villes, bien des hommes ne consultaient pour se marier que le choix de leurs parents, la bonne renommée de la famille à laquelle ils désiraient s'allier, les vertus et les grâces de la jeune fille qu'ils souhaitaient d'associer à leur vie. Ces traditions s'étaient perpétuées en France dans la première moitié de notre siècle. Les terribles épreuves de la Révolution qui avaient ruiné tant de familles et qui avaient fait voir de près le néant des vanités humaines; la simplicité de vie, d'habitudes et de toilette, qui résultait de cette disposition morale, avaient fait prédominer dans le mariage la vertu du désintéressement. Il a fallu les fiévreuses spéculations et le luxe insensé dont la seconde moitié du XIXe siècle donne l'exemple, pour que la vénalité du mariage devînt générale. Le mariage n'est guère autre chose aujourd'hui qu'une opération financière, et la femme n'est plus qu'une valeur sur le marché matrimonial jusqu'à ce que, le divorce aidant, cette valeur soit cotée à la Bourse et passe de main en main. Seulement cette valeur a cela de particulier qu'on ne l'achète pas, mais qu'on ne daigne l'accepter qu'au plus haut prix. Chez certains peuples de l'antiquité et chez les populations musulmanes de nos jours, l'époux achète l'épouse comme une marchandise. Mais du moins cette marchandise devient sa propriété. Chez nous, c'est réellement l'épouse qui achète l'époux, mais, en l'achetant, il faut qu'elle paye très cher le droit, non de le dominer, mais de lui obéir. En employant ce dernier terme, je n'entends pas être l'écho des doléances qui ont pour objet l'asservissement de la femme à son mari. Tout d'abord, rien, dans la loi, ne l'oblige à se marier, et, si elle reste fille, elle demeure libre. En dehors des rapports conjugaux, la femme a, dans le Code, les mêmes droits civils que ceux de l'homme, à part quelques exceptions. Ainsi, bien qu'elle puisse être déclarante dans un acte de l'état civil, elle ne peut en être témoin comme elle l'était sous l'ancien régime. La loi «hésite encore» à lui rendre le droit d'arbitrage qu'elle exerçait dans le droit coutumier du moyen âge. Il ne lui est pas permis de gérer un journal. Elle peut être tutrice officieuse; mais elle ne sera investie de la tutelle légale que si elle est la mère ou l'aïeule de l'enfant mineur[507]. Nous ne réclamons pour elle ni le droit de témoigner dans un acte civil, ni le droit, souvent périlleux, de gérer un journal. Mais un jour viendra sans doute où, comme dans le droit féodal, on lui permettra d'être tutrice hors de sa descendance directe: c'est un droit qu'elle peut revendiquer au nom de ce coeur de mère que trouvent en elle les orphelins. [Note 507: Voir plus loin la tutelle réservée à la femme de l'interdit.] Sur un autre point encore, il serait utile de revenir aux anciennes traditions. Dans la loi chrétienne comme dans la loi biblique et dans la loi germaine, le séducteur d'une jeune fille était puni. Le droit coutumier permettait la recherche de la paternité. Il n'en est pas ainsi du Code Napoléon qui interdit cette recherche et qui déclare qu'à moins que la victime n'ait moins de quinze ans, le séducteur ne doit pas être puni. A part ces exceptions, le Code civil a singulièrement amélioré la condition légale de la femme qui n'est pas en puissance de mari. Elle a les mêmes droits d'héritage que l'homme. Elle peut administrer ses biens, en disposer, tenir une maison de commerce ou de banque, s'engager pour autrui, enfin, témoigner en justice[508]. Comme dans le droit féodal, l'incapacité légale de la femme n'existe que dans l'état de mariage. Mais, alors, il faut le reconnaître: si nous nous reportons soit à nos vieilles institutions françaises du moyen âge, soit même à la législation romaine, nous trouverons que la condition de la femme mariée est généralement abaissée dans le Code Napoléon. [Note 508: Armand Dalloz jeune. _Dictionnaire général de jurisprudence_. Femme; Gide, _ouvrage cité_.] N'exagérons rien cependant. Aux yeux du législateur moderne, la femme n'est pas, comme on le prétend, l'esclave de l'homme. Elle est sa compagne, sa compagne respectée. A son égard, il a des devoirs à remplir aussi bien que des droits à exercer. «Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance.» L'épouse conseille l'époux; mais c'est lui seul qui décide. En échange de la protection qu'il doit à sa faiblesse, elle lui doit l'obéissance[509]. «L'obéissance de la femme est un hommage rendu au pouvoir qui la protège,» a dit excellemment le comte Portalis, «et elle est une suite nécessaire de la société conjugale, qui ne pourrait subsister si l'un des époux n'était subordonné.» [Note 509: Code civil, art. 212, 213.] L'autorité du chef de la maison est la base même de la famille, telle que Dieu l'a instituée. Ce n'est pas, comme on l'a dit de nos jours, un reste des institutions monarchiques[510]. C'est la constitution patriarcale, la seule, ne l'oublions pas, qui sauvegarde l'existence de la famille. Cette constitution, nous l'avons vue chez tous les peuples primitifs, chez les Aryas comme chez les Hébreux, chez les vieux Romains comme chez les Grecs des temps homériques. Nos ancêtres immédiats, les Gaulois et les Germains, l'avaient conservée. Elle s'est perpétuée dans le moyen âge, dans les temps modernes, jusqu'à la fin du siècle dernier, et bien qu'elle ait subi, elle aussi, le contre-coup de la Révolution, elle se maintient encore dans bien des familles contemporaines. [Note 510: Richer, _ouvrage cité_.] Nous reconnaissons hautement l'autorité du chef de la famille; nous ne voulons signaler que les abus de pouvoir contre lesquels la loi chrétienne protégeait l'épouse. Mais il nous faut d'abord rappeler les articles du Code qui définissent le pouvoir que le mari exerce sur la personne et sur les biens de la femme. «La femme est obligée d'habiter avec le mari, et de le suivre partout où il juge à propos de résider,» dit la première partie de l'article 214. La section du Conseil d'État, chargée d'élaborer cet article, avait prévu ce qu'il pourrait y avoir de cruel pour la femme à être arrachée au sol natal, aux premières tendresses du foyer; et la section avait ajouté que si le mari voulait, sans une mission spéciale du gouvernement, quitter la France, la femme ne pourrait être contrainte à le suivre. Mais, suivant le témoignage d'un des conseillers d'État qui concoururent à la rédaction du Code, «l'Empereur dit que l'obligation de la femme ne peut recevoir aucune modification, et qu'elle doit suivre son mari toutes les fois qu'il l'exige. On convint de la vérité du principe, avec quelqu'embarras cependant pour l'exécution, et l'addition fut retranchée[511].» [Note 511: Maleville, _Analyse raisonnée de la discussion du Code civil au Conseil d'État_. 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